Raymond Poincaré

Raymond Poincaré est né le 20 août 1860 à Bar-le-Duc. C’est le plus illustre des élèves du lycée qui porte aujourd’hui son nom. Il fut en effet Président de la République, notamment au déclenchement de la Grande Guerre puis pendant son déroulement, puis Président du Conseil (on dirait aujourd’hui Premier Ministre). Peu d’hommes politiques ont marqué autant que lui la IIIe République dans le premier tiers du XXe siècle.

Raymond Poincaré et Le « Clos », par l'école de Sampigny ...

Raymond Poincaré naît dans une famille aisée, le 20 août 1860. II est le fils d’un polytechnicien, inspecteur général des Ponts et Chaussées. Par ailleurs, il est l’arrière-petit-fils de Landry Gillon, autre figure barisienne, député sous le règne de Louis-Philippe ; le neveu d’Emile Poincaré, doyen de la faculté de médecine de Nancy ; le frère aîné de Lucien Poincaré, directeur de l’Enseignement secondaire au ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts ; et le cousin germain du très grand mathématicien et physicien Henri Poincaré.  Bref, Raymond a de qui tenir!

Il passe son enfance dans la maison bourgeoise de ses grands-parents, rue du docteur Nève, à Bar-le-Duc. Après des études brillantes qui le conduisent de Bar-le-Duc à Nancy puis à Paris, il devient avocat stagiaire et finit major de la conférence du barreau. Il commence également une carrière journalistique dans la presse républicaine ; la politique va l’absorber progressivement mais il ne cessera jamais d’être, dans l’âme, un avocat.

Du reste, en 1895, il ouvre son cabinet, qui obtient rapidement un grand succès et détient une clientèle très prestigieuse pour les affaires de presse, les affaires littéraires (il est l’avocat de Jules Verne) et le droit des sociétés. Il inaugure ainsi une longue suite d’avocats d’affaires entrés en politique et habiles à s’y faire connaître…

C’est dès 1887 qu’il est entré en politique, en se faisant élire député – républicain modéré – dans le département de la Meuse ; il est alors le benjamin de l’hémicycle. En 1892, il est rapporteur de la commission des Finances, au moment du scandale de Panama, et est réélu l’année suivante. Il devient alors l’un des plus jeunes ministres de l’époque : à trente-six ans, il l’a déjà été trois fois.

Durant l’affaire Dreyfus, il adopte une attitude prudente. Il se rallie finalement au camp dreyfusard, sans toutefois afficher une très forte conviction ; Poincaré n’est ni Zola ni Clemenceau.

Bien que républicain et laïc, il reste très modéré, et évolue tranquillement du centre gauche vers le centre droit, suivant une pente assez classique. Cette modération devient quasiment emblématique de son personnage. « Le don de Poincaré n’est pas à dédaigner : c’est l’intelligence. Il pourrait faire remarquablement à côté de quelqu’un qui fournirait le caractère», juge Clémenceau ; venant d’un tel bretteur, cette pique est elle-même modérée…

Plus tard, c’est au Sénat que Poincaré décide de se présenter. Il est élu sénateur dans la Meuse en 1903. Il le sera plusieurs fois durant sa longue carrière.

Raymond Poincaré | Раймон Пуанкаре | Olga | Flickr

Du fait de sa proximité avec le milieu, et n’ayant à cette époque presque rien écrit, il est élu à l’Académie française en 1909.

En janvier 1912, les très hautes fonctions commencent enfin. Il est nommé président du Conseil et forme un gouvernement de républicains modérés. Il s’octroie le portefeuille des Affaires étrangères et se donne comme ligne diplomatique le rapprochement avec l’Angleterre, la consolidation de l’alliance avec l’empire des tsars et la fermeté avec l’Allemagne. La presse parisienne lui fait alors une réputation flatteuse de détermination, pour changer… En tous cas, il influence profondément, dès ce moment, et même plus qu’il ne pourra le faire ensuite comme Président, la politique française et l’avenir de l’Europe et du monde.

Après quelques péripéties parlementaires, il est élu Président de la République le 17 janvier 1913. (Rappelons que sous les IIIe et Ive Républiques, le Président était élu par le Parlement). Son mandat de chef de l’État va évidemment être marqué par la Première Guerre mondiale, pendant laquelle il est l’artisan de l’Union sacrée politique et sociale, aux côtés de René Viviani, d’Aristide Briand puis de Georges Clemenceau.

Romanovs. Tsar Nicholas II & Raymond Poincaré - Romanov ...
Raymond Poincaré avec le tsar Nicolas II

Il pousse à la fermeté la Russie lors de son voyage officiel du 13 au 23 juillet 1914 en Russie, afin de renforcer les alliances deux semaines après l’attentat de Sarajevo. Avec Briand et Clemenceau, et contre Jaurès et la SFIO, Raymond Poincaré soutient la loi des trois ans, qui prolonge le service militaire à trois ans.

Aujourd’hui encore, l’enchaînement des causes et des attitudes politiques des dirigeants des différents pays est controversé ; à quel point Poincaré a-t-il tenté d’éviter la guerre, à quel point en est-il l’un des responsables ?

Le 4 août, son message est communiqué aux Chambres par René Viviani. Il y forge le concept d’Union Sacrée, qui fera date dans l’histoire et en tous cas, survivra pendant toute la durée de la guerre, pour le meilleur et pour le pire.

Durant tout le conflit, il n’hésite pas, parfois au péril de sa vie, à venir au front (essentiellement dans la Meuse et dans la Somme) afin de juger du moral des troupes et des populations déplacées. Il se rend à plusieurs reprises à Bar-le-Duc en visite officielle, se rendant auprès des réfugiés, des blessés, des familles. Mais en 1917, un photographe du journal L’Humanité, lors d’une visite d’un cimetière militaire aux côtés de l’ambassadeur des États-Unis, surprend un rictus et fait paraître une photographie de Poincaré, le surnommant : « Poincaré, la guerre, l’homme qui rit dans les cimetières. » Cette épithète injuste d’homme qui rit dans les cimetières lui collera dorénavant à la peau.

Raymond Poincare Stock Photos and Pictures | Getty Images
Avec Clemenceau

Malgré les pouvoirs limités d’un Président de la République sous la IIIe (qui est une République parlementaire), son autorité morale est très forte, et partant, son influence considérable… jusqu’à fin 1917 où, la situation étant très critique, il se résigne à nommer le radical-socialiste Clemenceau, qu’il n’apprécie guère (et réciproquement) mais dont il admire la fermeté de caractère, comme président du Conseil. Son rôle devient alors plus discret, et il se plaint même, dans ses écrits, d’être mis de côté. Il conserve toutefois une certaine influence : selon l’historien Michel Winock, une certaine forme de cohabitation se met en place entre les deux hommes.

Dans les dernières semaines de la guerre, il est paradoxalement (lui, le modéré…) partisan (avec Pétain !) de poursuivre les Allemands jusque chez eux alors que Clemenceau qui estime que la guerre a été suffisamment meurtrière décide d’obtenir un armistice dans les meilleurs délais. Il est par la suite littéralement exclu par Clemenceau des négociations du traité de Versailles.

Après la guerre, ayant terminé son mandat, il redevient sénateur de la Meuse. Pas longtemps ! Il devient Président du Conseil (on dirait aujourd’hui Premier Ministre) dès 1922 ; un  rôle politique plus important, plus concret, on l’a vu, que celui de Président de la République. Il apparaît maintenant comme un homme de droite ; Paul Vaillant-Couturier l’attaque : « Il est l’homme du militarisme et de la petite-bourgeoisie. Il est le défenseur des petits-bourgeois porteurs de valeurs russes. Il est surtout celui qui, par sa diplomatie secrète, déchaînera demain sur le pays une nouvelle guerre. » Face à l’Allemagne, qui refuse de payer les (énormes) réparations de guerre, Raymond Poincaré a recours à la force, faisant occuper la Ruhr. On peut considérer avec le recul historique que cette politique est indirectement à l’origine de la crise économique allemande qui précipitera dix ans plus tard le pays dans les bras des nazis… Mais il est aisé de réécrire l’histoire à la lumière des faits ultérieurs…

Il quitte le pouvoir en 1924 après la victoire du cartel des gauches. Mais il revient en 1926, formant alors un cabinet d’union nationale, et en revenant à une politique d’austérité financière ; le « franc germinal » est dévalué et devient « le franc Poincaré », qui aura une très grande longévité, entrant dans la légende. Cependant, malade et fatigué, il démissionne en 1929.

A nouveau sénateur, il meurt le 15 octobre 1934, à son domicile parisien. Il est inhumé à Nubécourt.

Poincaré en quelques mots ? Un grand animal politique, une forte ambition qui n’est pas toujours soutenue par une grande « vision », mais plutôt  une modération politicienne symbolique des faiblesses de la IIIe puis de la IVe, le poids de la Grande Guerre, l’Union Sacrée, un jusqu’au-boutisme final qui étonne, une politique économique fondatrice d’un classicisme basé sur la stabilité monétaire et la rigueur budgétaire. Une vraie page d’histoire de France !

… Mais aussi, le plus important: Poincaré a présidé l’Association des Anciens Elèves du lycée qui porterait plus tard son nom, de 1919 jusqu’à sa mort. Point de biographie injustement oublié par les historiens, et qu’il convient de remettre ici à sa juste place!

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